Des familles sans nom

L'accroissement du nombre de familles « recomposees » s'accompagne d'une incertitude quant aux titres definissant les roles a l'interieur de l'unite sociale elementaire. Il s'ensuit une incertitude des fonctions et des assignations statutaires, des droits et des devoirs, des limites et des interdits. Les relations intrafamiliales se trouvent depouillees de ce qui, dans l'experience ordinaire de la famille ordinaire, les caracterise en propre, c'est-a-dire les apparences de l'evidence et du naturel. Tout se passe comme si la famille « recomposee » faisait emerger l'arbitraire, continument refoule, de la famille « normale » qui ne peut etre vue et vecue comme un groupe parfait et parfaitement necessaire, inscrit dans la nature des choses, qu'au prix d'une creation continue des sentiments familiaux, soutenue par tout l'ordre social. Ce dernier contribue donc a enfermer la famille « recomposee » dans sa singularite de « famille a risques » en lui refusant la banalite et les securites d'un nom et d'un destin communs. L'A. etend au plan juridique la description de la menace symbolique que representent les formes familiales « heretiques » vis a vis de l'ordre social incarne par la famille « orthodoxe »