Quoi de neuf docteur ? Une étude économétrique sur la recherche en ligne d'informations médicales par les patients

Alors que la loi HPST (Hopital, Patients, Sante et Territoire) du 22 juillet 2009 a permis de definir le cadre juridique de la telemedecine et que ces dernieres annees les portails medicaux se sont multiplies sur Internet, peu d'etudes francaises ont ete menees sur l'usage d'Internet en matiere de sante (a l'exception de Renahy (2008)). Une revue de litterature des articles concernant les usages d'Internet pour la sante identifie deux types de travaux : ceux s'attachant a reperer les facteurs influencant l'usage d'Internet pour la sante (caracteristiques socio-demographiques, integration sociale, etat de sante, niveau d'equipement en TIC, usages et competences Internet, voir tableau 1 en annexe) et ceux analysant l'effet d'Internet sur la relation medecin-patient. Si dans le premier cas, l'on cherche avant tout a identifier les usages de type e-sante le plus souvent en rapport avec une pathologie, dans le second cas le niveau d'information du patient se trouve modifie et peut remettre en cause la figure de l'expert. L'objectif de cet article est de combiner ces deux approches en identifiant les profils des internautes recherchant de l'information sur Internet et en distinguant les informations visant a comprendre ou completer le diagnostic du medecin (Internet complementaire de la relation medecin-patient) ou au contraire a contester ou remplacer le diagnostic du medecin (Internet comme substitut a la relation medecin-patient). Nous partons de l'idee que les informations collectees sur Internet (sur les maladies, sur les traitements,...) permettent de reduire les asymetries d'information et de modifier l'attitude des patients vis-a-vis de leur medecin. L'objectif de cette etude est d'examiner si ce surplus d'information accroit ou reduit la confiance envers le corps medical. Cette consecration de l'amateur (Flichy, 2010) pouvant presenter des effets particulierement ambigues sur le bien etre social. Pour repondre a cette question, nous utilisons l'enquete M@rsouin 2009 sur les menages bretons. 2008 individus ont ete interroges, 1349 utilisent Internet (quotidiennement, toutes les semaines ou plus, tous les mois ou plus). Nous estimons trois modeles econometriques (modeles LOGIT) concernant : la probabilite d'utiliser Internet pour la sante ; la probabilite de rechercher des informations sur Internet pour comprendre les informations du medecin ;la probabilite d'utiliser Internet pour contester ou contourner les informations du medecin. Les variables explicatives sont entre autres l'etat de sante percu, le type de probleme de sante, l'etat de sante des proches, les usages sur Internet, les competences technologiques, la sociabilite ...Les premiers resultats sont conformes aux etudes precedentes presentees dans la revue de litterature, a savoir que la recherche en ligne d'informations sur la sante est plus elevee pour les femmes, pour les personnes ayant un faible niveau de sante et pour ceux qui passent du temps sur Internet. Le fait d'avoir une maladie chronique et des problemes de sante induit une forte recherche d'information pour comprendre le diagnostic du medecin, mais aussi pour obtenir d'autres sources ou avis. Les facteurs favorables a la recherche d'informations complementaires sont : un niveau d'education moyen, un revenu confortable un usage frequent d'Internet, une connexion haut debit, l'existence de problemes de sante et l'absence de temps libre. Les facteurs favorables a la recherche d'informations de substitution sont : etre une femme, appartenir a une categorie socio-professionnelle moyenne, etre connectee en haut debit, passer beaucoup de temps sur Internet, avec des usages varies (achats, communication et e-administration) et avoir un probleme de sante ou un handicap. L'etat de sante est un facteur explicatif tres important. Les personnes qui frequentent le systeme de soins de facon reguliere (maladie chronique, handicap) trouvent dans Internet le moyen de compenser le manque d'information fournies par les medecins. Ces personnes peuvent egalement completer leur information par des recherches aupres d'autres personnes ayant la meme maladie. Les traitements ou conseils prodigues par les medecins ne suffisent plus aux personnes qui ont une connaissance tres forte de leur maladie et recherchent alors des sources d'informations alternatives.