La part du rationalisme dans la religion de Plutarque : l'exemple du De genio Socratis

Un trait qui retient particulicrement l'attention dans le dialogue Sur le demon de Socrate est que nous y sont pr6sent6s deux portraits nettement differencies, voire opposes, du personnage de Socrate. II y a en effet d'un cote le Socrate philosophe et rationaliste, ennemi declare de la superstition dont Pythagore, Emp6docle et leurs emules ont "infecte" la philosophic, tandis que lui-meme s'est toujours efforce, selon la formule d'un des participants a la discussion, de "faire appel a la sobre raison dans la recherche de la verite" (Xoyw vricpov-u2 (lexievai x-qv aXriGeiav, 580C 63). Mais il y a aussi le Socrate qui entretient une relation speciale avec la Divinite, par le truchement du fameux "demon," a l'exemple, cette fois, de Pythagoriciens tels Lysis (cf. 579F, 596A), et conform6ment a la doctrine exposee au chapitre 24 par un autre Pythagoricien, Theanor. D'apres Simmias, un des personnages principaux du dialogue, souvent tenu pour un porte-parole de l'auteur, un oracle aurait prescrit au pere de Socrate, quand ce dernier etait encore enfant, de le laisser suivre ses impulsions sans contrainte, "parce qu'a coup sur l'enfant avait en lui-meme, pour se conduire dans la vie, un guide qui valait mieux que mille mattres et mille pedagogues."4 Aussi a-t-on pu soutenir que le dialogue semblait "flotter" entre deux interpr6tations, "mystique" et "rationaliste," du personnage, celles-ci s'appuyant,