L’etude de la grotte des Bernoux (Dordogne, France) entreprise depuis 2011 s’inscrit dans une dynamique de reexamen critique d’ensembles ornes attribues aux periodes ante-magdaleniennes. Elle se construit d’apres le nouveau regard offert sur ces periodes par les decouvertes dans les annees 1990 de sites majeurs comme Chauvet (Ardeche), Cosquer (Bouches-du-Rhone), Cussac (Dordogne) ou La Garma (Cantabria, Espagne). La grotte des Bernoux, a travers son eventail thematique original et ses caracteristiques formelles, materialise un site propice a la confrontation de ses donnees graphiques avec ces nouvelles decouvertes. Situee sur la commune de Bourdeilles, la cavite s’ouvre au pied d’un petit escarpement qui borde le lit majeur de la Dronne. Elle a ete decouverte au debut des annees 1920 et a fait l’objet d’une etude par Denis Peyrony, qui y a realise un premier inventaire des figures ainsi qu’une fouille dans le vestibule. Constituee d’une unique galerie qui se developpe de maniere rectiligne sur une vingtaine de metres, la grotte rassemble ses oeuvres dans la premiere partie de la cavite. Comprenant a l’origine trois figures documentees (un mammouth, un rhinoceros et un ours, pour reprendre l’identification la plus communement admise), l’inventaire a ete porte en l’etat actuel de l’etude a vingt-trois entites graphiques dont six representations animales identifiees et quatre indeterminees. Les nouvelles decouvertes et les paralleles avec les figures deja connues ont permis d’apporter des donnees precieuses pour l’insertion chronoculturelle de la cavite, et ce d’autant plus que le materiel archeologique connu reste peu diagnostique. En effet, les fouilles effectuees par Denis Peyrony dans les annees 1930 ont fourni un materiel tres succinct (soixante-deux pieces seulement), et tres peu significatif, partage entre des elements mousteriens et d’autres probablement issus des premieres phases du Paleolithique superieur. Le reexamen des parois de la grotte des Bernoux a permis plusieurs decouvertes graphiques majeures. Les premieres d’entre elles portent sur le panneau de l’entree, panneau principal de la grotte. A cote du premier mammouth, dont le contour reste le plus caracteristique, ont ete identifies deux autres, l’un accole au premier, de proportions semblables a celui-ci (autour de 80 cm de large), l’autre dans le registre inferieur de la paroi, au trace plus succinct. Du grand rhinoceros ne subsiste en revanche que la tete. Six metres apres l’entree, la figure connue comme un ours s’est averee etre un felin. Cette nouvelle identification a pu etre obtenue a l’appui de traitements graphiques et infographiques, notamment la 3D par photogrammetrie, qui ont permis d’ecarter a la fois le noir de fumee moderne qui pollue la lecture et des retraces contemporains donnant l’illusion de traces graves. La nouvelle lecture de la figure s’est appuyee sur la forme de la tete au trace allonge et etrangle. Au-dela de ce panneau d’entree, une autre zone de concentration de manifestations graphiques a ete relevee la ou des traces avaient deja ete reperes par d’autres chercheurs (Delluc et Delluc, 1979). A 10 m de l’entree sur la paroi gauche, au niveau d’une etroiture, se localise en effet un panneau comprenant plusieurs entites graphiques gravees d’une facture technique differente des gravures jusque-la connues. Parmi elles, une tete de cheval de petite taille (une dizaine de centimetres seulement) marquee par l’absence de details anatomiques. Par ailleurs, la decouverte de peintures totalement inedites a diversifie la panoplie technique deployee sur les parois de la grotte des Bernoux. Deux panneaux de traces rouges ont ete localises ; le premier d’entre eux, sur la paroi droite, a revele la presence de signes (points et traits) et d’un trace continu dont la nature reste indeterminee (signe triangulaire incomplet, tete animale ?). Ces peintures se distinguent des rouges naturels et peuvent laisser imaginer, dans leur etat tres vestigial, un ensemble pictural paleolithique de plus grande ampleur. La grotte des Bernoux presente aujourd’hui un dispositif parietal largement renouvele, comprenant notamment des signes, des peintures inedites et des gravures dont certaines d’une facture jusqu’ici inconnue dans la grotte. Tous ces elements montrent un ensemble assez riche pour une «petite » grotte, un horizon thematique et stylistique homogene propre aux phases ante-magdaleniennes et plus particulierement, a l’aurignacienne. L’apport de l’etude des representations est incontestable, face a un contexte archeologique pauvre et peu caracteristique, et montre l’importance de developper le reexamen des grottes ornees pour mieux apprehender le panorama culturel des premieres societes du Paleolithique superieur en Europe.
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