Sur l'imparfait contrefactuel

Prenant appui sur une revue critique des travaux anterieurs, l’article montre que l’imparfait contrefactuel – classiquement illustre depuis Guillaume par Un instant apres, le train deraillait –, n’est pas une simple variante de l’imparfait de rupture – Six mois plus tard, il se mariait – deja reanalyse dans Berthonneau & Kleiber (1999, 2000, 2003).Pour l’imparfait de rupture, le complement frontal est uniquement temporel, et indique une posteriorite. Avec l’imparfait contrefactuel, il peut marquer l’anteriorite (Tu arrives au bon moment. Un peu plus tot, ce n’etait pas pret), et il n’est pas uniquement temporel. Au cas classique de Sans vous, je m’ennuyais, il faut ajouter celui, moins balise, des modifications quantitatives (Deux kilos de moins, je rentrais dans ma robe, Moins cher, c’etait du fil de fer, etc.).La lecture contrefactuelle de l’imparfait repose crucialement sur sa combinatoire avec le complement frontal – ce qui le differencie du conditionnel passe, par lequel on le glose ordinairement. Trois sous-types sont analyses. Le premier, Une minute plus tard,… met en jeu une variation de duree entre la situation factuelle et la situation contrefactuelle. Le second, Une minute apres,… ne prend plus comme point de repere la situation factuelle, mais l’evenement auquel renvoie apres. Entre les deux, le type Sans vous, je m’ennuyais, ou Deux kilos de moins, je rentrais dans ma robe, pour lequel il n’y a plus d’effet « d’imminence contrecarree », fait fonds, comme le premier, sur une variation homogene de la quantite, a ceci pres que cette quantite n’est plus temporelle.Dans tous les cas, le complement frontal met en saillance une situation anterieure. L’imparfait contrefactuel s’inscrit donc sans difficulte dans le cadre de l’hypothese anaphorique meronomique, mise en place dans Berthonneau & Kleiber (1993), meme si l’analyse detaillee des differents types d’emplois est, dans un premier temps, conduite independamment de cette hypothese.