Quelle que soit leur histoire politique, au cours de leur fédéralisation, les États européens ou les provinces canadiennes ont mis en place une superposition des niveaux de droit. En conséquence, ils ont multiplié le risque de contradictions ou, au moins, d’interprétations paradoxales entre les règles communautaires et les règles locales, nationales ou provinciales. S’ajoutent à ce mille-feuille la couche internationale des droits fondamentaux et celle des règles défendues par les différentes cours internationales de justice, qui encadrent certaines pratiques nationales, voire entrent en conflit avec les lois nationales, jusqu’à obliger les États à les modifier. C’est notamment ce qu’on observe en matière de régulation des rapports sociaux de sexe. En Europe par exemple, la Cour européenne de justice dit maintenant le droit en cas de conflit entre une citoyenne ou un citoyen européen et la justice de son pays. Cette possibilité a, dans la période récente, conduit cette Cour à prononcer des arrêts qui ont amené les États à bouleverser leur ordre juridique jusque-là en vigueur, notamment dans le domaine de l’égalité de droits entre hommes et femmes. En mettant en perspective des travaux sur l’évolution du cadre juridique européen et d’autres sur les systèmes de droit du Canada et, plus spécifiquement du Québec, ce numéro de la Revue Femmes et Droit permet d’éclairer la dynamique des rapports sociaux de sexe telle qu’elle est reproduite, mise en jeu ou transformée par les conflits juridiques et par la dimension de plus en plus poreuse et évolutive des droits. Pour cela, nous avons fait le choix de la transversalité et du décloisonnement afin d’appréhender le plus possible toute la « chaı̂ne du droit »1 sous l’angle du genre2—le droit étant ici pensé comme un « processus de création normative
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