Gouvernementalité algorithmique et perspectives d'émancipation

La gouvernementalite algorithmique se caracterise notamment par le double mouvement suivant : a) l’abandon de toute forme d’« echelle », d’« etalon », de hierarchie, au profit d’une normativite immanente et evolutive en temps reel, dont emerge un « double statistique » du monde et qui semble faire table rase des anciennes hierarchies dessinee par l’homme normal ou l’homme moyen ; b) l’evitement de toute confrontation avec les individus dont les occasions de subjectivation se trouvent rarefiees.Ce double mouvement nous parait le fruit de la focalisation de la statistique contemporaine sur les relations. Nous tentons d’evaluer dans quelle mesure ces deux aspects de la « gouvernementalite algorithmique » ainsi dessinee, avec l’appui qu’elle se donne sur les seules relations, pourraient etre favorables, d’une part, a des processus d’individuation par la relation (Simondon) et, d’autre part, a l’emergence de formes de vie nouvelles sous la forme du depassement du plan d’organisation par le plan d’immanence (Deleuze-Guattari). Par cette confrontation aux principales philosophies contemporaines de la relation, il apparait alors qu’une pensee du devenir et des processus d’individuation par la relation reclame necessairement du « disparate » - une heterogeneite des ordres de grandeur, une multiplicite des regimes d’existence - que la gouvernementalite algorithmique ne cesse precisement d’etouffer en cloturant le reel (numerise) sur lui-meme. La gouvernementalite algorithmique tend plutot a forclore de telles perspectives d’emancipation en repliant les processus d’individuation sur la monade subjective.

[1]  Thomas Berns Gouverner sans gouverner : une archéologie politique de la statistique , 2009 .

[2]  V. Morfino Le temps de la multitude , 2010 .

[3]  A. Quételet Sur L'homme Et Le Développement De Ses Facultés Ou Essai De Physique Sociale , 2010 .

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[6]  Tal Z. Zarsky Governmental Data Mining and its Alternatives , 2011 .

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[19]  É. Balibar La philosophie de Marx , 2014 .

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