Que le monde de la recherche scientifique collabore a la mise en oeuvre des politiques publiques : voila un fait ancien et bien connu. Pourtant, les formes prises par cette «participation» savante appellent de nos jours une reflexion specifique. En raison, d'abord, d'un contexte : a la periode des Trente Glorieuses et de la guerre froide, vouee a la «modernisation», a la «societe de consommation» ou a la «planification», a succede un mode d'intervention marque par ce qui a pu etre caracterise comme un tournant neo-liberal. Avec pour resultat des liens nouveaux entre production de connaissances et pratiques de gouvernement. Il suffirait pour rapidement s'en convaincre de suivre les heurs et malheurs de structures d'expertise comme le CERC (Centre d'Etudes des Revenus et des Couts) ou le Commissariat au Plan en France, le CPRS (Central Policy Review Straff) ou le Center for Policy Studies en Grande Bretagne ou encore le SRV (SachverstA¤ndigenrat zur Begutachtung der gesamwirtschaftlichen Enwicklung : Conseil des Experts Economiques) en Allemagne. Ensuite, les savoirs de l'action publique, bien qu'habilites par l'Etat, sont de plus en plus contestes. Accuses de mettre en peril les regles de la representation politique, voire de «confisquer» les decisions, ils sont mis en cause. Ces ingenieries d'Etat ? Elles ne feraient qu'encourager une conversion rampante a un modele managerial. Pire : masquer les interets de groupes sociaux aveugles par les criteres d'»efficacite» et de «solvabilite». Derriere ce debat aux formes multiples, une question revient de facon lancinante : comment les savoirs de l'action publique herites des Trente Glorieuses se sont-ils recomposes ? Comment ont-ils affronte l'europeanisation des politiques publiques et la redefinition du role de l'Etat face au marche ?