La seconde vie des bébés morts

Depuis le debut des annees 1990, la plupart des hopitaux europeens ont revolutionne les pratiques entourant la mort du foetus ou du nourrisson. Escamoter l'enfant mort et inciter les parents a passer a autre chose , tel etait l'usage jusqu'alors. Apprendre a faire son deuil , telle est la regle desormais. Le deuil devient volontariste, presque applique. Mais le plus surprenant est sans doute l'invite systematiquement faite aux parents de regarder leur enfant mort. Internationale, cette mutation fut aussi radicale : en dix ans, une page de l'histoire de la mort enfantine a ete tournee. Elle cristallise une nouvelle maniere de saluer les morts rendant essentielles la materialite et l'incarnation du souvenir. Que s'est-il passe pour que la presentation ou la representation du corps devienne, ou redevienne, incontournable pour penser la perte ? Un simple retour au passe ? Fetichisation du corps et psycho-logisation de son usage : le corps, la chair, le donne biologique sont appeles au secours des psyches. Mais le phenomene se limite-t-il bien au cas des bebes morts ? Que nous suggere-t-il de la redefinition contemporaine des identites ?