Pédopsychiatrie et services de protection de l'enfance : quels liens ?

P eut-on penser que les fréquentes difficultés relationnelles entre services de pédopsychiatrie et services de protection de l’enfance marquent une sorte de répétition réflective de l’attaque des liens menée par les enfants ayant vécu séparations et maltraitance ? Ce serait peut-être une réponse un peu réductrice qui simplifierait le regard qu’on peut porter sur la complexité des liens qui unissent ces deux types d’institutions dans un partenariat obligatoire. Les pédopsychiatres français se réfèrent majoritairement à une conception psychodynamique du développement de l’enfant qui est sous-tendue par une approche psychanalytique. La théorie de l’attachement occupe une place centrale dans la réflexion sur les séparations. Quelles sont les lignes directrices théoriques des services de protection de l’enfance? Les pratiques semblent plutôt fluctuer en fonction d’idées prévalentes basées sur l’évolution de la législation en matière de protection de l’enfance, ainsi qu’en fonction de l’évolution d’une pensée plus ou moins consensuelle qui est construite sur des influences sociologiques, psychologiques et éducatives. Après un passé où la séparation entraînait une rupture du lien familial de l’enfant, les pratiques ont évolué grâce à la mobilisation de quelques-uns, tels Pierre Verdier, qui dans son ouvrage L’enfant en miettes [2] remit en cause l’éclatement des liens provoqué par les placements. Une évolution salutaire des pratiques eut donc lieu et on rencontrait moins en consultation ces adolescents en quête d’identité qui malmenaient leur environnement faute de pouvoir se repérer dans une généalogie. Mais, tel le balancier d’une pendule, la pensée est devenue idéologie et on a ensuite entendu des éducateurs affirmer que « le placement ne résolvait rien » et on a vu des enfants soumis pendant des années à des carences et des mauvais traitements, qui ont fini par être placés trop tard, alors que leurs perturbations psychiques étaient déjà organisées. Leurs troubles de la personnalité rendaient alors quasi impossible leur intégration durable en famille d’accueil. La pathologie était alors amplifiée par les ruptures et les échecs répétés de rétablissement d’un lien affectif. On était alors dans une confusion : on confondait « maintien du lien » et « vivre avec ». Combien d’enfants avons-nous vu chez lesquels des symptômes de souffrance psychique étaient réactivés après des weekends ou des vacances passés dans leur famille négligente ou maltraitante. Une réaction était nécessaire, tant du côté de la