L'auteur etudie ici les polemiques suscitees par la presence de chretiens dans les rangs des armees de l'Ilkhan Ghazan Khan et la remise en cause de sa sincere conversion a l'islam. Outre les chroniques, l'auteur s'appuie principalement sur deux types de sources : l'echange de correspondances diplomatiques entre Ghazan Khan et le sultan mamelouk al-Malik al-Nâsir Muhammad b. Qalâwun ainsi que sur un certain nombre de fatwâ-s emises par Ibn Taymiyya (m. 728/1328) qui fut tres actif a cette periode pour inciter au djihad contre les invasions ilkhanides. Nous pourrons constater que ces textes de nature differente refletent la meme vision que les autorites politiques et religieuses mameloukes avaient de Ġāzān Ḫān et du regime ilkhanide. Il existe deux transmissions des lettres (A et B) qui offrent quelques differences entre elles, mais qui n'affectent pas le sens general du contenu. Il est reproche a l'Ilkhan mongol de ne pas se conformer aux prescriptions de l'islam en ayant contracte une alliance avec les Georgiens et les Armeniens du royaume de Cilicie, dont le roi, Het‘um II, l'accompagne dans ses conquetes. Il lui est egalement reproche d'avoir pris des contacts avec le roi de Chypre et d'autres princes francs ainsi qu'avec la papaute et les rois occidentaux. L'Ilkhan pretend venir defendre la population de Mârdin, ville situee en territoire ilkhanide, en Haute Mesopotamie, ou les armees mameloukes ont commis des actes reprehensibles et contraire a la loi islamique. La reponse du sultan mamelouk, truffees de dix-huit citations coraniques destinees a illustrer le propos d'al-Malik al-Nâsir Qâlawun, est fondee sur une contre argumentation religieuse par rapport a la lettre de l'Ilkan. Ibn Taymiyya amplifie encore ces reproches contre l'Ilkhan. En vertu de la conversion de ce dernier a l'islam, beaucoup de soldats mamelouks refusent de combattre leurs freres en religion. Mais en tant que savant en sciences religieuses hanbalite, il situe son discours dans une perspective plus large : celle du regime ilkhanide qui reste attache a son substrat culturel d'origine et qui met ainsi en danger l'islam en y apportant des innovations blâmables (bid‘a), comme en temoigne l'alliance de Ghazan Khan avec les chretiens tant orientaux qu'occidentaux.
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