ion du bilinguisme force des travailleurs immigres) ne s'influencent qu'en surface et localement : les anglicismes lexicaux, par exemple, concernent surtout des types de discours specifiques (publicite, technologie, commerce...) et leur frequence en discours est incomparablement plus faible qu'a Montreal. Le refus de week-end, shopping , living ou stop par les normateurs du Quebec est une bien faible reaction devant le deferlement d'anglicismes qui rend le discours des garagistes francophones de Montreal absolument incomprehensible au voyageur francais, et qui seme le discours le plus quotidien de crosser (« traverser »), ouatcher (« prendre garde a ») et de formes apparemment francaises, comme char (<car) recouvrant des semantismes empruntes (calques, comme breuvage < beverage). Mais les Quebecois preoccupes par ce probleme savent fort bien qu'une norme artificielle, unique, rigoureuse, ne saurait etre respectee par tous. Ayant a faire un certain nombre de choix pour definir une norme, ils ne peuvent la croire definitive et intangible. Les attitudes d'intervention linguistique, dans ce contexte, ne sauraient etre dites puristes, si l'on admet les elements de definition donnes plus haut. Le purisme, solution de paresse dans la mesure ou il lui faut tout ignorer de la connaissance scientifique de la langue pour mieux refuser la realite de l'usage, devrait ceder la place a un interventionnisme motive et explicite ou se resigner a n'etre qu'un discours ornemental et sans effet. L'absence de science linguistique, puis l'isolement un peu farouche des linguistes dans l'abstraction du systeme, l'ont permis, puis prolonge. On peut penser que le developpement d'une socio-linguistique rend aujourd'hui impossible cette forme archaique d'attitude normative. Mais les raisons profondes du jugement de valeur sur l'usage linguistique, et le desir de le modeler selon l'ideologie dominante restent les memes. Il ne s'agit pas de refuser toute norme aucune societe ne s'en passe mais bien d'en surveiller la construction par l'analyse scientifique, et de comprendre l'activite normative, c'est-a-dire de la modifier, comme un secteur de la pratique sociale moins innocent qu'il n'y parait.